Les Instants Essentiels

Le lapidage d’une pièce émaillée est utilisé principalement dans les techniques du cloisonné et du champlevé. Alors lapider, vous allez le trouver dans le dictionnaire mais pas dans le sens où je l’entends. Je me suis fait confirmer, on dit bien pourtant lapider et lapidage : action qui consiste à polir une pièce d’émail sur métal pour amener l’émail et le métal au même niveau.

En effet, le cloisonné utilise des fils d’or, d’argent ou de cuivre pour délimiter des alvéoles où les couleurs d’émail seront ensuite déposées. Et pour la technique du champlevé, ces cloisons sont directement réalisées avec la plaque (de cuivre souvent) où l’on enlève de la matière pour créer les fameuses alvéoles. Dans la deux cas, il est possible de mettre à niveaux l’émail et le métal pour finaliser la pièce et obtenir une surface lisse. Ce n’est certainement pas une obligation hein ! Il existe d’ailleurs le champlevé dit en goutte de suif, où on laisse l’émail bomber dans les alvéoles et aucun arasage (du verbe araser : mettre à niveau) n’est réalisé.

Pour bien lapider, il faut des pierres de qualité. (Et il n’y a je vous le jure aucun jeu de mot de mauvais goût dans cette phrase…). La majorité des émailleurs que j’ai rencontré se fournissent au Japon. Ce n’est pas la porte à côté, je le conçois.

Erreur du débutant : Comme le japon, c’est trop loin, j’achète des pierres à faux à Castoramuch…(pas de pub siouplai). Erreur !!!! Parce que la plupart des pierres à aiguiser qu’on trouve sont des pierres artificielles gorgées de graisse. ça ne se voit pas à première vue et puis quand on lapide la pièce émaillée, on se retrouve avec des traces noires dégueulasses et impossibles à faire partir.

Possibilité : Acheter des pierres à aiguiser dans des magasins de couteaux. Problème là encore : ils ne savent généralement pas le grain des pierres. Sauf s’ils ont des pierres japonaises mais les grains japonais ne sont pas les mêmes qu’en Europe. Et les pierres américaines non plus. Et ouais les mecs, c’est ça la grande blague de la normalisation. C’est que finalement, chacun normalise comme il veut. Voici un tableau qui met en relation la norme américaine, Européenne et Japonaise. Pour qu’on puisse s’y retrouver un petit peu :

Tableau qui met en relation le grain d’une pierre en fonction des normes américaines, européennes et japonaises (source : http://www.hocktools.com/tech-info/grit-size-comparison-chart.html)

Pour la suite de l’article, je parlerai en me basant sur la norme FEPA, la norme européenne. Mais là encore, c’est le bordel, y’a les Fquetchose et les Ptrucmuch. J’me demande bien qui a eu cette idée folle… Si vous achetez des pierres, vérifiez avant tout la norme avec laquelle a été édité le grain de la pierre.

Revenons à l’émail et à sa lapidation. L’idéal est de commencer avec du F150, puis du F240, du F320, F400, F600, F800 et terminer avec du F1000. L’idée donc est de lapider progressivement avec des grains de plus en plus fin. Si vous n’avez pas toutes ces pierres, ce n’est pas dramatique non plus. L’idée est d’avoir une pierre un peu « rugueuse » autour de F320, une autre un chouilla plus fine et surtout la F1000 parce qu’autrement vous aurez des rayures sur votre pièce. Si vous trouvez des pierres encore plus fine, c’est même idéal. Les japonais terminent le polissage de leurs pièces émaillées avec du charbon de Paulownia et des pierres nakura. Vous allez me dire, on est bien avancé. Comment je fais moi pour trouver des Paulownias dans ma forêt des Landes et comment ça s’écrit d’abord nakura en japonais ? Ok…ok j’avoue, à part émigrer au japon ou épouser un/une japonaise (qui en plus connaissse un peu le monde de l’arasage de l’émail), je vois pas trop comment. Mais il est intéressant de savoir que les geishas utilisent le charbon de Paulownia pour se maquiller le contour des yeux. Donc, déjà on a une piste. Si vous trouvez une geisha, vous trouverez peut-être du charbon…

Les pierres s’utilisent mouillées à l’eau. Jamais d’huile avec l’émail parce que ça va rentrer dans les pores de l’émail et potentiellement faire un truc dégueulasse si jamais vous devez recuire. Si vous n’avez pas de pierres,  vous pouvez aussi acheter du papier Emeri. Ça coûte moins cher mais ça s’abîme plus vite. Vous pouvez aussi utiliser pierres et papiers et charbons, vous vous débrouillez ! Après tout, l’émail c’est aussi la découverte et l’expérimentation !

En dehors des techniques du cloisonné et du champlevé, les pierres peuvent aussi s’utiliser pour nettoyer une partie que vous avez lamentablement ratée. Les pierres utilisées se font généralement appeler « Pierre De Carborundum » (N’oubliez pas la particule De, ils y sont sensibles) qui ont un grain autour de 200 je pense. Attention toutefois ! Si vous devez recuire la pièce, nettoyez la bien avec de l’ammoniac (sympa la vie d’émailleur!) puis rinçage à l’eau et au bicarbonate. En effet, l’ammoniac détruit les restes de pierres qui peuvent rester sur la pièce émaillée. Si cette étape n’est pas réalisée, la poudre de pierre va réagir avec l’émail à la cuisson et faire des trucs dégueulasse de type : bulles, saletés, … Un autre bon moyen de nettoyer une pièce est de la passer dans une machine à ultra-son quelques minutes. La tête à l’envers. Les impuretés sont alors totalement évacuées de la pièce.

Bilan : pour lapider une pièce d’émail, il vous faut : des pierres des grains différents et de plus en plus fins (7 différentes c’est l’idéal), ou du papier émeri, ou du charbon de bois d’espèces asiatiques très rare et difficile à trouver, des pierres nakura que personne ne sait ce que c’est, de l’ammoniac, une machine à ultra-son, de l’eau. On va commencer par l’eau et je crois qu’on va attendre noël 2015 et 2016 et 2017 pour le reste.